lundi 6 septembre 2010

Rosh ha-Shana : Accepter la royauté divine

Il est rapporté au nom du Arizal (Rabbi Its'hak Louria Ashkenazi, 1534-1572) que durant la période allant de Rosh ha-Shana à Yom Kippour, le travail de Téshouva doit se déployer au fil des jours de la semaine. Le dimanche doit être ainsi consacré à réparer les fautes commises durant l'ensemble des dimanches de l'année, le lundi à amender les erreurs réalisées durant l'ensemble des lundis, etc.

Toutefois, le Rebbe de Shinova (Rabbi Ye'hezkel Shraga Halberstam, 1813-1898) fait remarquer une évidence, à savoir que s'il en était ainsi, sept jours de pénitence auraient suffi ! Pourquoi donc précisément dix jours de pénitence ?

La réponse s'impose d'elle-même : le cheminement prescrit par le Arizal s'applique aux sept jours intermédiaires. Rosh ha-Shana en constitue la phase préparatoire et Yom Kippour la destination.

Qu'il faille donc mener ce travail de repentir la semaine précédent Kippour est tout naturel.
Mais quelle est, dans cette logique, la fonction de Rosh ha-Shana ?

Il suffit de se tourner vers la liturgie pour obtenir notre réponse. De fait, dès le premier jour de Rosh ha-Shana et jusqu'à la fin de Kippour, une modification intervient dans la troisième bénédiction de la 'Amida, "le D.ieu Saint" faisant place au "Roi Saint". Dans la prière du Moussaf de Rosh ha-Shana, nous introduisons également dix versets dits de Malkhouyot, c'est-à-dire célébrant D.ieu comme notre roi.
En un mot, Rosh ha-Shana est le jour de la proclamation de la souveraineté divine.

Et cette proclamation est bien le pré-requis à toute Téshouva, car comment et surtout pourquoi se repentir si l'on n'a pas auparavant reconnu la royauté de D.ieu ? Peut-on se repentir d'avoir transgressé les ordonnances d'un souverain que l'on ne tient pas pour nôtre ?

Mais plus encore qu'un pré-requis, cette prise de conscience, cette transformation psychologique est peut-être l'une des étapes les plus difficiles de la Téshouva, celle qui demande à l'homme le plus profond bouleversement de son être.

Rav Ben-Tsion ha-Kohen Kook, un auteur contemporain, rapporte à ce sujet un épisode plus qu'éloquent concernant son oncle, Rav Shlomo Wolbe (1914-2005), l'un des grands maîtres du Moussar.

Un élève se rendit un jour chez R. Shlomo Wolbe afin que le maître lui indique quel engagement prendre afin de progresser dans son cheminement spirituel. Le Rav lui répondit simplement : "La première chose est d'accepter la royauté de D.ieu. Engage-toi donc à réciter le Shéma' à la perfection !" [Puisqu'il est obligatoire d'accepter la royauté de D.ieu lors de la récitation du premier verset du Shéma' pour s'en acquitter.]
Une semaine plus tard, le même élève revint trouver le Rav et lui demanda de lui prescrire une nouvelle résolution à mettre en oeuvre. Et le Rav de lui demander : "Qu'en est-il du premier engagement que tu as pris ?" L'élève répondit qu'il récitait maintenant le Shéma' comme il convenait et qu'il voulait passer à l'étape suivante.
Le Rav l'interrogea alors : "Lorsque tu récites de Shéma' et que tu acceptes la royauté de D.ieu, sens-tu ton corps se révolter et crier : 'Je ne suis pas d'accord !' ?" L'élève répondit par la négative.
Le Rav conclut donc la discussion : "S'il en est ainsi, tu n'as pas encore véritablement accepté la royauté de D.ieu. Car lorsqu'on se soumet réellement à la royauté divine, cela touche à tous les aspects de la vie et il y a forcément des choses qu'il est difficile d'admettre. Le corps s'oppose avec force à cette soumission et il faut négocier avec lui afin qu'il consente à l'accepter. Mais si ton corps ne n'insurge pas, c'est le signe que tu n'as pas encore véritablement accepté la royauté de D.ieu."

Si l'exigence manifestée par Rav Wolbe va au-delà de ce que la Halakha requiert pour s'acquitter du commandement de la récitation du Shéma' (heureusement...), elle met en revanche en évidence la profondeur de la transformation que nous devons nous employer à réaliser en notre for intérieur pendant ces deux jours de Rosh ha-Shana.

Sources :
- R. Ye'hezkel Shraga Halberstam, "Divré Ye'hezkel" (nouvelle éd., Mishor, 1990)
- R. Yossef Shalom Eliashiv, "Peniné Téfila" (éd. Rav Ben-Tsion ha-Kohen Kook, 2009).

A ce stade, je tiens à remercier l'ami très cher qui -- guidé par l'intelligence du coeur -- m'a offert les deux livres cités en référence (deux parmi tant d'autres) ; le mérite de cette étude lui revient de droit.

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