jeudi 9 décembre 2010

Vaygache : l’éducation, un enjeu vital

Au début de notre paracha, Yéhouda se présente devant Yosseph, qui est le vice roi d’Egypte et veut prendre Binyamine comme esclave. Pour introduire son discours, demande à pouvoir : « dire des paroles dans les oreilles de mon maître (Yosseph)… ». Relevant l’expression « dans les oreilles de mon maître », Rachi explique que Yéhouda voulait dire : « que mes paroles entrent dans tes oreilles. » Ce commentaire demande vraiment à être analysé car le verset ne semble pas présenter de difficulté. Au contraire, cette expression hébraïque, « dans tes oreilles », est déjà apparue à plusieurs reprises dans les textes de la Thora précédant notre Paracha : « Avimélekh s’est levé le matin … et il a parlé dans leurs oreilles … » (Genèse, 20 :8), « Ephron a répondu, dans les oreilles des fils de ‘Hète… » (Genèse 23 :10), « Ephron a parlé dans les oreilles des habitants de la terre… » (Genèse23 :13). Que vient donc nous apprendre Rachi par son commentaire sur ces mots ?

En fait, dans tous les versets similaires que l’on a pu rencontrer, une personne s’adresse à un grand nombre, et l’expression apparaît donc au pluriel. Elle semble donc signifier que l’orateur a parlé de manière à pouvoir être entendu de tous, « dans leurs oreilles. » Par contre, dans notre cas, Yéhouda ne s’adresse qu’à Yosseph. De plus, l’expression « il s’est présenté » (en hébreu « vayigache »), qui introduit son discours, implique un rapprochement physique. Yéhouda s’est donc rapproché de Yosseph et s’est présenté devant lui avant de parler. On ne peut donc pas comprendre l’expression « dans les oreilles de mon maître » comme une référence au caractère audible du discours car celui-ci est évident. Rachi vient donc expliquer qu’il faut ici le prendre au sens figuré. Yéhouda a fait en sorte d’être entendu par Yosseph au sens de la conviction : il a tout fait pour convaincre Yosseph de libérer Binyamine : « que mes paroles entrent dans tes oreilles » signifie qu’elles soient acceptées et que tu rejoignes mon point de vue.

Cette idée permet de mettre en perspective un autre commentaire de Rachi sur le même verset. Des mots de Yéhouda disant : « ne te met pas en colère », Rachi déduit qu’ « il lui a parlé avec fermeté ». Pourquoi Yéhouda a-t-il pris le parti de parler immédiatement avec sévérité ? Pourquoi ne pas avoir adressé sa requête au vice roi d’Egypte comme la demande d’une faveur, quitte à durcir le ton en cas de refus ?

C’est qu’il s’agissait alors d’un enjeu vital : la vie de Binyamine, son intégrité physique et surtout morale, ainsi que la vie de Yaakov, en dépendaient. Car Binyamine risquait tout simplement d’être pris comme esclave du palais égyptien, esclave au sens physique mais aussi imprégné à tout jamais des valeurs idolâtres de cette civilisation. Or, lorsque l’enjeu est vital, l’heure n’est plus aux stratégies politiques ni aux manœuvres de rhétorique. Il fallait donc s’exprimer avec la plus grande ferveur et la plus grande fermeté afin de défendre Binyamine et empêcher qu’il soit englouti à tout jamais dans l’Egypte et sa culture. Et c’est alors précisément que Yéhouda pouvait être assuré d’être « entendu », c’est-à-dire compris et accepté par Yosseph.

Telle doit être aussi notre position dans la défense de l’éducation juive de nos enfants. Car c’est la clé de voûte permettant d’empêcher l’assimilation et de sauvegarder l’identité juive des générations à venir.

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