jeudi 9 décembre 2010

Vaygache : les garants

Lorsque Yéhouda se présente devant Yosseph pour prendre la défense de Binyamine, il conclut son discours en disant :«car ton serviteur [Yéhouda] s’est porté garant du jeune homme [Binyamine]… » En effet, il voulait par cette prise de responsabilité justifier que ce soit lui qui se présente et se propose en lieu et place de Binyamine.

Cette manière par laquelle Yéhouda s’est porté garant de Binyamine est la source pour le Talmud de nombreuses déductions quant aux lois concernant le garant financier. Cependant, au traité Baba Batra (173b), ily a une divergence d’opinions parmi les sages quant à savoir si Yéhouda avait vraiment le statut du garant : «Rav Houda enseigne :d’où apprend-on que le garant s’engage par une simple parole (sans avoir besoin d’acte écrit)? Car il est écrit (lorsque Yéhouda s’engagea auprès de son père) : « Je m’en porte garant, de ma main tu le réclameras.» Rav Hisda objecte : mais c’est un [Yéhouda a le statut de] responsable (en hébreu « kablane ») puisqu’il est écrit: ‘donne le dans mes mains et je te le rapporterai’» En d’autres termes, Rav Hisda considère que Yéhouda, en disant «donne le dans mes mains et je te le rapporterai », s’est engagé au point d’être le seulet unique interlocuteur de son père et non pas garant d’un tiers. Au-delà de la divergence d’opinion, une question se pose : comment Rav Houna peut-il s’appuyer sur le cas de Binyamine, où la responsabilité porte sur un être vivant, pour déduire des lois qui concernent le garant financier?

En fait, nous trouvons par ailleurs la notion de garant à l’échelle du peuple juif puisque nos sages enseignent :« tous lesenfants d’Israël sont garants les uns des autres».Cette notion n’est pas purement virtuelle et elle a des implications au plan de la loi juive. C’est en vertu de ce principe qu’une personne qui s’est déjà acquittée d’un commandement peut prononcer la bénédiction pour une personne qui ne l’a pas encore réalisé (par exemple le choffar).Le code de la loi juive explique ainsi ce principe « puisque concernant les commandement, tous les enfants d’Israël sont garants les uns des autres, alors lui [celui qui s’est déjà acquitté] porte un devoir du fait que son ami n’est pas encore acquitté…» De fait, le mot «garants» en hébreu, «arevin», découle de la même racine que «mélangés», «méouravine » et d’après le Rogatchover Gaon, c’est parce que le peuple juif forme une seule et même entité que le devoir moral de l’un est aussi porté par l’autre. Mais alors se pose la question suivante : cette responsabilité à l’échelle du peuple juif s’exprime-t-elle seulement pour ce qui concerne les problématiques spirituelles (comme les commandements) ou bien peut elle aussi s’exprimer dans le monde matériel?

Rav Houna considère que le garant financier n’est pas quelqu’un qui a pris l’engagement de payer pour un autre. Il vient en lieu et place du créancier. C’est donc un mécanisme similaire à la garantie morale que chacun constitue pour l’autre parce qu’ils font partie d’un même tout. Dès lors, cette responsabilité collective, qui concerne des êtres humains faits de chair et de sang, peut aussi s’exprimer dans les engagements financiers. Il suffit juste que la personne s’engage verbalement pour que le lien qui la lie spirituellement à l’autre prenne aussi force pour l’engagement financier.

Il faut donc comprendre que Rav Houna ne considère pas Yéhouda comme un garant au sens financier du terme. Il considère seulement que la possibilité de porter garantie financière s’appuie et découle de la garantie morale que nous constituons, à l’instar de Yéhouda, pour tous les enfants d’Israël.

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