Dans son plaidoyer pour Sodome et Gomorrhe, Abraham, au moment où il se permet de pousser son argumentaire, l'introduit par la phrase suivante: « ...je me permettrai de parler à mon D.ieu alors que je ne suis que terre et cendre» (Genèse, 18:27). A ce propos, le Midrach apporte le commentaire suivant: « En récompense du fait qu'Abraham a dit 'je suis terre et cendre', ses enfants ont mérité d'avoir deux commandements, la cendre de la vache rousse et la terre de la femme soupçonnée (Sota). » En fait, le Midrach établit un lien analogique entre le mot « terre » et la cérémonie de la femme soupçonnée (en hébreu « Sota ») par son mari d'adultère parce qu'elle s'était isolée avec un homme, malgré la mise en garde de son mari. En effet, cette femme était convoquée au Temple où on lui faisait prêter serment qu'elle n'avait pas fauté. Ce serment était écrit, avec le nom de D.ieu, sur un parchemin qui était effacé dans de l'eau à laquelle on mêlait de la terre du sol Temple. On faisait boire cette eau à la femme soupçonnée qui, en cas de culpabilité, décédait, et en cas d'innocence, retrouvait une nouvelle jeunesse. De la même manière, le Midrach établit un lien entre le mot « cendre » et les cendres de la vache rousse. Pour purifier ceux qui étaient entrés en contact avec un défunt et avaient par là contracté l'impureté rituelle, il fallait brûler une vache rousse dont les cendres étaient mêlées à de l'eau de source pour en asperger et purifier celui qui est impur.
Cependant, nous savons que D.ieu récompense toujours « mesure pour mesure ». Par conséquent, il y a forcément, au delà du simple lien entre les mots, un rapport de sens entre la phrase d'Abraham et les commandements dont nous avons hérité par cela.
En fait, ce sens commun vient souligner la dimension de la bonté que le judaïsme exige du peuple juif. Car il y a deux niveaux dans la bonté. Il y a la bonté qui vient satisfaire l'ego de la personne. Et il y a la bonté où celui qui donne ne pense qu'à l'autre. Abraham nous a donné l'exemple d'une bonté qui exprime l'humilité à l'extrême et pour laquelle on est même prêt à faire sacrifice de soi même. Au début de la paracha, il accourt pour accueillir ses invités alors même qu'il est en face de la révélation divine. Il est donc même prêt à faire don de son élévation spirituelle pour se donner aux autres. C'est ce sens du sacrifice de soi qui imprègne sa plaidoirie pour Sodome et que l'on retrouve dans la phrase « je suis terre et cendre ». Car Abraham ne prenait pas en compte son ego.
Nous comprenons maintenant le rapport avec les deux commandements qui sont cités par le Midrach. Car on y retrouve cette dimension particulière de la bonté exigée par le judaïsme. Dans le cas de la vache rousse, il est une loi, tirée des versets, selon laquelle celui qui aspergeait l'individu impur avec les eaux de la vache rousse devenait lui même impur. Ainsi, le Cohen qui exécutait cette purification acceptait de faire sacrifice de sa propre pureté pour permettre à autrui de s'en extraire. De la même manière, dans le cérémonial de la femme soupçonnée, nous voyons que D.ieu accepte de voir Son nom effacé afin de rétablir l'harmonie et la paix entre un homme et son épouse.
Ainsi donc, Abraham a ouvert la voie à une bonté d'une dimension infiniment plus élevée qu'une simple charité par compassion. Nous devons aider autrui, sans penser à soi, quitte à faire des sacrifices matériels, et parfois même spirituels.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire