jeudi 4 septembre 2008

Choftim : une crainte profonde


Dans le passage rapportant les paroles du Cohen adressées au peuple avant de partir en guerre, et par les quelles ce dernier exemptait certains hommes du combat, Rachi relève le verset suivant :»Que l’homme qui a peuret qui a le cœur tendre aille et rentre chez lui… « et explique : « qui craint et qui a le cœur tendre : Rabbi Akiva dit [il faut le comprendre] comme son sens simple, il ne peut pas supporter le combat et voir le fil de l’épée. Rabbi Yossi le Galiléen dit : c’est celui qui craint ses propres péchés. C’est pour cela que la Thora a donné la possibilité de rentrer pour une [nouvelle] maison, une [nouvelle] vigne, ou pour un mariage, afin qu’on ne remarque pas ceux qui veulent rentrer à cause de leurs fautes. Car celui qui le voit rentrer se dit ‘ peut être a-t-il construit une maison ou planté une vigne ou s’est marié.’ »

Ce commentaire de Rachi demande à être approfondi. En effet, nous savons que Rachi se situe au niveau du sens littéral du texte. En quoi l’expression « l’homme qui a peur et qui a le cœur tendre » pose-t-elle problème ? De fait, dans son discours au peuple, le Cohen commence en utilisant cette même expression car il prévient dès ses premiers mots: « Vous vous apprêtez aujourd’hui à la guerre, que votre cœur ne s’attendrisse pas, n’ayez pas peur…» Pourquoi Rachi prend-il donc la peine de citer une première explication selon laquelle il faut le comprendre «comme son sens simple « ? Par ailleurs, pourquoi Rachi cite-t-il l’opinion de Rabbi Yossi selon laquelle cette expression doit être comprise dans un sens qui n’est pas littéral, à savoir celui qui craint ses propres fautes?

En fait, la question que veut résoudre Rachi est la suivante. Le discours du Cohen au peuple ne semble pas suivre une suite logique. En effet, il commence par encourager le peuple à ne pas avoir peur de la guerre. Puis, il s’interrompt pour appeler les trois premières catégories de soldats exemptés: celui qui vient de se marier, celui qui vient de construire sa maison, et celui qui vient de planter une vigne. Et c’est seulement ensuite qu’il revient au sujet premier, celui de la crainte, pour exempter celui «qui a peur et qui a le cœur tendre » ! Pourquoi cette interruption?

C’est pour cela que Rachi, après avoir confirmé le sens simple de ces mots, cite une deuxième explication selon laquelle cette crainte est celle de ne pas réussir au combat du fait de son manque de mérite ou de ses fautes.

Il est un principe méthodologique selon lequel lorsque Rachi cite deux interprétations, la première est celle qui reste la plus convaincante malgré les points faibles qu’elle présente et que n’a pas la deuxième. Dans le cas de ce commentaire, il faut comprendre que l’interprétation de Rabbi Akiva est celle qui convient le mieux. En effet, la crainte de ses fautes ne justifie pas que l’on ne se rende pas au combat car d’après Rabbi Akiva, le simple fait que l’on ait cette crainte constitue un degré de repentir («Téchouva «) suffisant pour que D.ieu nous protège dans le combat.

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