mercredi 17 novembre 2010

Vaychla'h : la posture de Yaakov

A propos de la rencontre de Yaakov avec Essav, le verset nous dit : « Essav a couru à sa rencontre [de Yaakov], il l’a étreint…il l’a embrassé et ils ont pleuré. » Sur ce verset, Rachi donne deux commentaires qui semblent se contredire. En effet, sur le mot « il l’a étreint » Rachi commente : « sa miséricorde s’est réveillée lorsqu’il l’a vu [Yaakov] se prosterner ». Mais sur le mot « il l’a embrassé », Rachi précise : « il existe une controverse [chez les sages] à ce propos : certains pensent qu’il ne l’a pas embrassé de tout son cœur…Rabbi Chimone Bar Yo’haï dit: il est une loi établie selon laquelle Essav déteste Yaakov mais à ce moment là, sa miséricorde s’est réveillée et il l’a embrassé de tout son cœur. » Ainsi, dans son premier commentaire, Rachi semble opter pour l’opinion selon laquelle Essav était sincère dans son geste d’affection, alors que dans le second, Rachi laisse la place à deux opinions quant à sa sincérité.

En fait, Rachi veut répondre à une question qui apparaît à la lecture du sens simple : comment comprendre le brusque changement d’attitude d’Essav alors que l’instant auparavant, il était accompagné de 400 hommes avec des intentions guerrières ? C’est pourquoi Rachi comprend le premier terme, « il l’a étreint », comme le signe d’une émotion particulière, suscité par la compassion d’Essav, et sur ce point, tous les sages sont d’accord. Par contre, lorsqu’on arrive au terme « il l’a embrassé », cette miséricorde ne suffit plus à forcer une telle marque d’amour de la part d’Essav. Et sur ce deuxième geste, tous les sages s’accordent pour affirmer qu’il n’était pas sincère mais il y a divergence quant à la manière de définir cette non authenticité. D’après les premiers sages, ce geste n’était pas sincère au sens simple du terme. Mais d’après Rabbi Chimone Bar Yo’haï, le geste était sincère mais seulement l’espace fugitif d’un instant. Et c’est cette fugitivité qui définit la non authenticité du geste.

Cette vision de Rabbi Chimone Bar Yo’haï selon lequel Essav s’est transformé, au moins pour le temps de la rencontre avec Yaakov, est porteuse d’enseignement. Nous vivons en effet le dernier exil qui a été suscité par l’empire romain, héritier spirituel d’Essav. Il n’est pas question pour le peuple juif de s’abandonner aux nations héritières d’Essav. Au contraire, nous devons prendre exemple sur Yaakov qui a exprimé sa fermeté dans son attachement à D.ieu et a affirmé à Essav avant de le rencontrer : j’ai habité (« Garti ») avec Lavane et malgré tout, j’ai gardé les 613 (valeur numérique du mot « Garti ») commandements. Et c’est précisément en exprimant cette fermeté que nous pouvons transformer, au moins l’espace d’un moment, le regard que nous portent les nations, à l’instar de Rabbi Chimone Bar Yo’haï qui plaida maintes fois la cause du peuple juif à Rome et avec un succès miraculeux.

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