jeudi 14 octobre 2010

Lekh Lékha : Au delà de soi.

Une partie considérable du livre de la Genèse est consacrée à la vie d'Abraham, le premier juif. Curieusement, cependant, nous rencontrons Abraham plutôt tard dans sa vie : le premier événement de sa vie décrit en détail par la Torah, dans notre sidra, s'est produit alors il avait 75 ans. Pourtant, à ce moment-là, Abraham pouvait être fier d’une vie pleine de réalisations sans précédent. Encore enfant en bas âge, son esprit a discerné la vérité qui se cache derrière le fonctionnement de l'univers, et il est parvenu à reconnaître le D.ieu unique. Il s’est opposé seul au monde entier, contre le paganisme de son temps, allant jusqu’à être jeté dans une fournaise de feu par le dictateur de l’époque qui s’était érigé en divinité. Pourquoi donc la Thora passe-t-elle sous silence ces événements, les laissant dans le domaine de la Tradition Orale ?

Cet événement par lequel la Thora « commence » le récit de la vie d’Abraham est un appel. D.ieu lui demande : « Quitte ta terre, ton lieu de naissance, et la maison de ton père vers la terre que Je te montrerai. » Nous y trouvons, en allusion, les trois dimensions qui forment la personnalité d’un individu :

1. L’inné : ce sont les traits de caractères dont nous sommes dotés depuis la naissance. C’est le symbole de « ta terre », car le mot hébreu « Erets », la Terre, se rapproche du mot « Ratsone » qui signifie la volonté dans sa dimension la plus profonde.

2. L’éducatif : c’est ce dont nous avons hérité de par l’éducation de nos parents, de la société qui nous entoure. C’est le « lieu de naissance » qui symbolise, au-delà de la dimension géographique, la société dans laquelle nous naissons.

3. L’acquis : l’être humain a été doté par D.ieu d’un intellect qui lui permet d’exercer un jugement et un choix et de se travailler pour tendre vers la perfection telle qu’il la conçoit. C’est le sens de « la maison de ton père » car le père symbolise la raison (la mère symbolisant l’affect) qui nous permet d’exercer ce libre choix.


Or, D.ieu, dans son appel, demande à Abraham de quitter ces trois dimensions pour rejoindre une perfection qu’il n’a jamais connue. En d’autres termes, cet appel nous apprend que pour le judaïsme, la perfection atteinte par ses propres moyens, innés ou acquis, n’est pas la perfection finale. Et de surcroît, ces qualités dont nous sommes dotés, parce que de nature humaine, sont sujettes à l’erreur. Par conséquent, le judaïsme pose comme principe fondamental le caractère limité de toute perfection humaine. Et c’est pourquoi la Thora place en tout premier lieu cet appel à quitter, à nous extraire, en permanence, de ce qui constitue nos limites pour les repousser plus loin. Et la dimension de l’individu qui lui permet justement de dépasser ses propres limites, est ce que le judaïsme appelle « l’âme divine » : c’est la part de divin dont le dévoilement est bien l’ultime perfection.

Aucun commentaire: