lundi 3 septembre 2007

Les halakhot du shofar en 10 points

Dans son ouvrage classique Ha-mo’adim ba-Halakha (Les fêtes dans la loi juive, Jérusalem, 1956), Rabbi Shlomo Yossef Zevin (1887-1978) expose en dix points thématiques l’ensemble des lois du shofar.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons quelques éléments biographiques quant au R. Zevin. Né en Russie, il était un descendant direct de l’un des fils du Tsema’h Tsedeq de Loubavitch. Il étudia à la Yéshiva de Mir et fut le proche tant de Rabbi Yossef Yits’haq Schneersohn que de R. Ye’hezqel Abramski ou de R. Shimon Shkopf.
Son arrivée en Erets Yisraël en 1935 fut annoncée par R. ‘Hayim ‘Ozer Grodzinski de Vilna qui écrivit aux personnalités du pays pour décrire sa grandeur.
Il est célèbre pour son oeuvre prolifique et d’une grande qualité et pour son rôle de rédacteur-en-chef de l’Encyclopédie talmudique.

Le R. Zevin expose donc les halakhot du shofar en 10 points :
1. L’obligation
2. La sonnerie
3. L’écoute
4. L’ordre
5. La matière
6. La forme
7. Les personnes
8. Le temps
9. L’intention
10. Les bénédictions.

Nous ne reprendrons ici que les grandes lignes du texte du Rav Zevin. Nous renvoyons les lecteurs à l’original pour l’ensemble des références halakhiques.

1. L’obligation
A priori, l’obligation du shofar ne fait pas question puisque la Tora dit expressément : “[Rosh ha-Shana] sera pour vous un jour de sonnerie”. Mais à y regarder de plus près, la nature de l’obligation n’est pas évidente : sommes-nous obligés de sonner du shofar ou d’écouter la sonnerie du shofar ? Ceci fait l’objet d’une discussion entre les Rishonim. Le Rambam (Maïmonide) établit la halakha de manière claire : “C’est un commandement positif que d’écouter la sonnerie du shofar à Rosh ha-Shana” (Hilkhot Shofar, 1:1). Dans ses responsa il précise encore les choses : “ce n’est pas la sonnerie mais l’écoute qui constitue la mitsva” (Freimann, § 78).

2. La sonnerieIl faut que le son que nous écoutons provienne d’une sonnerie, c’est-à-dire que la personne en charge de sonner souffle dans le shofar. D’où l’un des principes essentiel de cette mitsva : rien ne doit faire obstacle entre la bouche de celui qui sonne et le shofar. Le Ramban (Na’hmanide) a tiré de ce principe que celui qui arriverait à sonner dans un shofar sans le coller à sa bouche ne pourrait acquitter le public de son obligation ; ce point est rapporté dans le Shoul’han ‘Aroukh (§ 586... qui est d’ailleurs la valeur numérique du mot shofar !)
De même selon le Ramban, un shofar dont l’embouchure serait recouverte d’or à des fins décoratives ne permettrait pas de s’acquitter de la mitsva.

3. L’écoute
L’écoute du son doit être claire, sans interférence. C’est pourquoi celui qui entend le son d’un shofar provenant d’un puits, par exemple, n’est pas quitte, car l’on ne sait pas s’il a entendu le son du shofar lui-même ou son écho. Les décisionnaires du XXe siècle en ont déduit l’invalidité de l’écoute d’une sonnerie de shofar à travers le téléphone ou tout autre moyen de retransmission audio.
4. L’ordreLe nombre des sonneries et leur organisation est appelée dans le Talmud sédèr ou « ordre ». « Le sédèr des sonneries sera de trois groupes de trois sonneries chacun » (Rosh ha-Shana, 33b).
Selon la Tora, le sédèr complet est de 9 sonneries, 3 térou’ot précédées et suivies chacune d’une sonnerie longue, la téqi’a.
Sans entrer dans les détails du statut de chacune des sonneries, il y a une controverse sur la nature de la térou’a : s’agit-il de sanglots violents ou de gémissements répétés. Les gémissements sont traduits par les shévarim, ces trois sonneries moyennes et les sanglots par la térou’a, suite de 9 sons courts et saccadés.
C’est Rabbi Abahou qui a institué à Césarée que, pour s’acquitter de la mitsva en présence de ce doute sur la nature des sonneries, on sonnera trois fois les shévarim, trois fois la térou’a puis trois fois une combinaison de shévarim et térou’a. A chaque fois, bien sûr, le son intermédiaire étant précédé et suivi d’une téqi’a, un son long.
Cette institution ayant comme but essentiel de réunir l’ensemble de juifs autour d’une pratique commune et de mettre fin aux diverses interprétations qu’avaient adoptées les différentes communautés.
Il existe encore d’autres discussions quant aux sonneries qui sont faites pendant le moussaf : sont-elles toutes les mêmes, diffèrent-elles ? Sonne-t-on uniquement à la répétition du moussaf ou également durant la prière silencieuse, etc.
Enfin, les maîtres se sont interrogés sur la définition unitaire de chacune des sonneries et sur leur valeur : sont-elles indépendantes ? D’après notre leçon dans le Talmud : « Celui qui entend les neuf sonneries de neuf personnes différentes n’est pas quitte de son obligation » (34b).
5. La matière
Selon le Talmud, « toutes les cornes conviennent sauf celle de la vache » (26a) et ce, pour trois raisons : (1) sa corne s’appelle qérèn et non shofar ; (2) un accusateur ne se transforme pas en avocat de la défense, or la vache rappelle le veau d’or ; (3) étant donné que la corne de la vache est composée de plusieurs couches, elle paraît constituer à elle seule plusieurs shofarot.
6. La formeIl y a une discussion dans le Talmud (26b) concernant la forme du shofar : doit-il être droit ou courbé ? La halakha est la suivante : « La mitsva de Rosh ha-Shana et du Kippour [de l’année du Jubilé] doit être réalisée avec un shofar courbé ».
Ici sont liés la matière du shofar et sa forme : les cornes de béliers sont en effet recourbées, alors que celles de gazelles sont droites.
D’autres détails sont passés en revue dans la halakha concernant la forme du shofar : qu’en est-il si on sonne à l’envers (soufflant dans la partie la plus proche de la tête de l’animal) ? si l’on raccourcit un shofar qui était trop long ? etc.
La longueur minimale du shofar doit d’être d’un empan (téfa’h), soit environ 10 cm, de manière à ce qu’il dépasse des deux côtés du poing lorsqu’on le tient en main.
7. Les personnes
Tous les juifs sont astreints à l’obligation du shofar, à l’exception des femmes (puisqu’il s’agit d’un commandement positif lié au temps), des sourds (’hérèsh) et des mineurs.
En général, lorsque les Sages parlent du « ’hérèsh », il s’agit d’un sourd-muet, mais dans le cas du shofar, même une personne sourde mais pouvant parler est exempte. En effet, un sourd n’entend pas et ne peut donc pas s’acquitter lui-même de son obligation d’écouter les sonneries du shofar. Or qui n’est pas en mesure de s’acquitter soi-même ne peut acquitter les autres (Shoul’han ‘Aroukh, § 589).
Le Talmud (33a) discute de la possibilité pour une femme de sonner du shofar. Selon les Tossefot, elles ont le droit non seulement de sonner mais également de dire la bénédiction « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’entendre le son du shofar » ; si beaucoup de décisionnaires tranchent de la sorte, l’auteur du Sha’agat Arié fait toutefois remarquer que cette opinion n’est pas pour autant universelle et qu’il préférable qu’un homme sonne pour elles.
8. Le tempsTout le jour de Rosh ha-Shana permet de s’acquitter de l’obligation du shofar, ainsi qu’il est dit : « Ce sera pour vous un jour de sonnerie ». Comme pour tous les commandements qu’il faut réaliser de jour, l’obligation commence quand le soleil commence à poindre (henets ha-‘hama), mais a posteriori, on peut sonner dès l’aube (‘alot ha-sha’har).
En raison des persécutions religieuses, les Sages ont repoussé les sonneries du shofar jusqu’à l’heure de moussaf ; c’est pourquoi on ne retrouve pas dans cette mitsva le principe habituel selon lequel les personnes les plus zélées dans l’accomplissement des mitsvot les accomplissent dès que possible, en l’occurrence dès le moment où le soleil commence à poindre.
9. L’intentionIl y a deux intentions distinctes relatives au shofar : l’intention de s’acquitter de son obligation et l’intention de sonner.
La première intention est liée à la controverse générale dans la halakha concernant la nécessité d’une intention pour s’acquitter d’un commandement. A priori, cette intention est nécessaire.
La seconde intention, celle de sonner, est nécessaire même a posteriori. C’est-à-dire qu’une personne ayant soufflé dans un shofar sans intention de sonner et ayant produit un son par hasard, n’est pas quitte de son obligation, pas plus que ceux qui l’auraient entendu.
Pour que tous soient quittes, celui qui sonne doit avoir l’intention d’acquitter le public et le public doit avoir l’intention de s’acquitter en écoutant les sonneries.
Le Ramban introduit un distinguo intéressant : celui qui sonne pour la communauté ne devrait pas avoir l’intention de les acquitter de leur obligation, mais de leur faire entendre le son du shofar, puisque telle est leur obligation.
10. Les bénédictionsParmi les bénédictions liées au shofar, il y a la bénédiction prononcée avant les premières sonneries (lishmoa’ qol shofar) d’une part, et les trois bénédictions du moussaf au moment desquelles on sonne (malkhouyot, zikhronot, shofarot) d’autre part.
La première bénédiction est à proprement parler la bénédiction du shofar.
Mais les trois dernières bénédictions, celles du moussaf, ne sont pas indissociables du shofar. Ce sont les Sages qui ont décidé de répartir les sonneries selon leur ordre et donc de les y associer.
Dix versets sont récités avant chacune de ces trois bénédictions. Ceux de la troisième partie, « shofarot » nous transportent depuis le don de la Tora, durant lequel les enfants d’Israël entendirent le son du shofar céleste, jusqu’à la rédemption messianique où le son d’un grand shofar retentira afin de rassembler l’ensemble des exilés d’Israël.

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