L'un des thèmes qui se dégagent de cette paracha est celui des mélanges ou croisements interdits. On y découvre quatre cas principaux:
• L'interdiction du mélange du lin et de la laine, en hébreu « chaatnez »: il est interdit de tisser ou tresser ensemble des fils de lin et de laine.
• L'interdiction du croisement de deux espèces végétales différentes, dans le cadre d'une plantation, ou par greffe.
• L'interdiction du croisement de deux espèces animales différentes.
• L'interdiction du mélange du lait et de la viande qui se définit essentiellement par la cuisson (« tu ne cuiras pas... »)
Cependant, un commentaire de Rachi apporte une précision qui soulève une question. En effet, immédiatement après l'énoncé de l'interdiction du mélange du lin et de la laine, le texte nous rappelle le commandement des « Tsitsit », ces franges que nous devons tresser aux angles des vêtements qui comportent quatre coins. Et de citer le Talmud qui déduit de cette juxtaposition que le mélange du lin et de la laine est permis dans le cadre de l'application de ce commandement: il est permis de tresser des tsitsits en laine pour un vêtement de lin. Nous retrouvons un autre cas où ce mélange est autorisé (et même obligatoire) avec l'un des habits sacerdotaux du Grand Prêtre (le « Cohen Gadol »): en effet, la Thora nous ordonne explicitement de tresser la ceinture de son tablier, en hébreu « Avnet », avec différents types de fils, dont du lin et de la laine. La question qui en découle est la suivante: pourquoi, parmi les quatre types de mélanges interdits, seul celui du lin et de la laine devient autorisé pour l'application de commandements?
Un commentaire du Na'hmanide va nous apporter l'élément de réponse. En effet, Na'hmanide explique que le mauvais penchant conteste essentiellement, parmi ces croisements interdits, celui du lin et de la laine. La raison en est la suivante. Ces croisements semblent interdits du fait que l'homme, par cet acte, remet en question l'ordre des espèces établi par D.ieu lors de la création du monde. Il tend en effet par ce croisement à faire disparaître deux espèces existantes pour donner naissance à une troisième. Or, une telle contestation n'existe pas dans le « chaatnez » car les fils de lin et de laine gardent leur existence première et il est possible d'opérer un processus inverse en décousant ou en détressant les fils de sorte qu'ils reviennent à leur état initial. Par contre, les deux espèces végétales ou animales donnant naissance à une troisième ont disparu et il n'est plus possible de remonter aux espèces initiales à partir du petit auquel ils ont donné naissance. Ainsi en est-il du processus de cuisson du lait et de la viande qui n'est plus réversible. Le mauvais penchant conteste donc l'interdiction du mélange du lin et de la laine car il n'y a pas là, d'après lui, de remise en question de la création.
Mais ce qui apparaît, c'est que dans le « chaatnez », on a unification de deux catégories différentes qui gardent néanmoins leur identité propre. Et c'est la raison pour laquelle une telle unification devient permise dans la cadre de commandements de D.ieu. Car D.ieu veut montrer ainsi la finalité de la Thora. Elle a certes pour objectif d'introduire la paix et l'harmonie entre les hommes. Mais cette paix ne doit pas se faire au prix du renoncement de ce que l'on est. Ainsi, les mélanges interdits dans lesquels chaque espèce perd définitivement son identité propre dans le croisement sont interdits et le restent même si l'on souhaite accomplir par cet acte la volonté de D.ieu. Mais le mélange du lin et de la laine, lorsqu'il se fait dans la perspective et la finalité de réaliser un commandement de D.ieu, devient permis car chaque fil reste lui même.
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