jeudi 1 juillet 2010

Pin'has : le sens d'une intervention

La paracha commence par l’alliance que D.ieu conclut avec « Pin’has fils d’Eléazar fils d’Aharon ». Pour expliquer la répétition de l’ascendance de Pin’has (qui nous a déjà été donnée à la fin de la paracha Balak), Rachi rapporte le Midrach suivant : « C’est parce que les tribus se moquaient de lui en disant : ‘avez-vous vu ce [petit] fils de Pouti [Ytro] dont le père de la mère a engraissé des veaux pour l’idolâtrie et qui a tué un prince d’Israël ?’ C’est pourquoi le verset est venu le rattacher à Aharon. » En d’autres termes, les tribus ont vu dans le fait que Pin’has a tué le prince Shimonite et la princesse Midianite de la cruauté qui fut (à un moment) le trait de caractère de Ytro, son grand père maternel. Et la répétition de l’ascendance a essentiellement pour but de rattacher Pin’has à Aharon.

Si on analyse de près la précision des termes de Rachi, on comprend mieux l’argumentation ci-dessus.

· D’une part, Rachi mentionne cette accusation comme provenant « des tribus » et non des membres de la tribu de Chimone.

· Ces tribus accusait Pin’has de ressembler au « père de sa mère, Ytro ». Pourquoi ne pas dire « à son grand père Ytro », ce qui est explicite ?

· Comment comprendre la réponse du verset qui affirme le contraire, à savoir qu’il fallait plutôt rattacher cet acte à Aharon ?

En fait, cette accusation ne venait pas de la tribu de Chimone qui voulait venger leur prince et elle ne remettait pas en cause la justesse de l’acte de Pin’has. Elle venait des « tribus », c’est-à-dire de l’ensemble du peuple, qui prétendait que l’acte, juste en lui-même, procédait de motivations impures liées au caractère, à la personnalité même de Pin’has. C’est pourquoi les tribus désignaient Ytro comme le « père de sa mère ». Car la Thora nous enseigne qu’un fils a tendance, en général, à ressembler, par son caractère, à sa mère et une fille à son père. Pin’has devait donc ressembler à sa mère et cette dernière à son père Ytro. Or, ce dernier, avant de rejoindre le destin du peuple juif, avait pratiqué « toutes les idolâtries possibles » et « engraissé des veaux pour l’idolâtrie ». Engraisser un veau dans la seule intention de le tuer pour une idole représente bien une forme extrême de cruauté que les tribus reprochaient à Pin’has. Ainsi donc, Pin’has avait peut être correctement agi mais sa motivation, ses sentiments, qui venaient de son caractère, étaient impurs.

Et D.ieu, en rappelant sa généalogie par rapport à son grand père paternel, a affirmé le contraire en le liant avec Aharon dont la qualité était de « d’aimer la paix et de rechercher la paix. » Car Pin’has, dans son action, avait pour seule motivation de recréer la paix et l’harmonie entre D.ieu et le peuple d’Israël.

L’enseignement de ce passage nous concerne dans notre rapport à l’autre. En effet, on est parfois amené, de par les apparences, à penser que ce que l’autre fait est certes positif mais procède de motivations négatives, et d’en déduire du mépris. La Thora nous enseigne ici que si l’acte lui-même est légitime, il ne faut pas chercher de motivations personnelles derrière. Car seul D.ieu connaît véritablement le cœur de l’homme. Et même si tel était le cas, les Maximes des Pères nous enseignent que l’on devra toujours « étudier la Thora, même dans un but intéressé, car de l’intérêt, il en arrivera au désintéressement ». Or, le mot utilisé pour dire « de l’intérêt » est « Mitokh » qui signifie en fait « de l’intérieur ». La traduction littérale donne donc : « de l’intérieur de l’intérêt, il en arrivera au désintéressement ». Ainsi, le sens profond de cette maxime est que « de l’intérieur de l’intérêt », c'est-à-dire au plus profond de l’inconscient de l’homme, au moment même où il apparaît intéressé, se cache le désintéressement de l’âme qui finira par se dévoiler.

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