vendredi 25 juin 2010

Balak : amour gratuit et effort personnel

Il a été mentionné à de nombreuses reprises que Rachi a volontairement situé son commentaire au niveau du sens littéral et qu’il ne cite le « Midrach », c'est- à-dire les interprétations allégoriques, que lorsque ces dernières permettent de comprendre le sens simple. Cependant, lorsque le texte s’exprime lui même de manière poétique, Rachi invoque le Midrach pour expliquer l’allégorie exprimée par les mots. Ainsi en est-il des passages comme les « Cantiques » (le cantique de la mer rouge par exemple) et les prophéties de Bilam dans notre Paracha puisque le texte dit lui-même : « Il (Bilam) prononça son allégorie (« Méchalo ») en ces termes… » De fait, à propos des prophéties de Bilam, nous trouvons plusieurs sources midrachiques pour expliquer le sens de ces allégories :

• Le « Targoum », traduction en araméen du texte. Dans le cas des passages allégoriques, le Targoum abandonne la traduction linéaire pour donner un sens allégorique.

• Les sources midrachiques classiques : Midrach Rabba, Midrach Tan’houma, etc.. Lorsque Rachi fait appel à l’une et à l’autre de ces sources, la première est celle qui s’inscrit le plus logiquement dans une lecture simple du texte.


A la lumière de ce principe, un commentaire de Rachi sur l’une des prophéties de Bilam demande à être analysé. En effet, sur le verset : « Le voici, un peuple qui se lève comme un lionceau, et comme un lion il s’élève, il ne se couche pas tant qu’il n’a pas mangé sa proie», Rachi explique : « Lorsqu’ils [les enfants d’Israël] se lèvent de leur sommeil le matin, ils se renforcent comme un lionceau et un lion pour saisir les commandements (qui se présentent à eux), se vêtir des tsitsit, lire le chéma, mettre les téfilines.» Sur l’expression « il ne se couche pas », Rachi explique : « le soir, sur son lit…(il ne se couche pas) tant qu’il n’a pas écarté tout danger…enlisant le chéma (du soir)».Puis, après avoir donné cette explication allégorique, qui trouve sa source dans le Midrach Tan’houma (chp. 14), Rachi reprend le début du verset et dit simplement : « autre explication: ”Le voici, un peuple qui se lève comme un lionceau etc…’’,comme sa traduction», faisant référence à l’explication allégorique du Targoum. Or, d’après ce dernier, le verset doit être compris comme une métaphore du peuple juif qui entrera en terre d’Israël et qui, tout comme le lion, gagnera la guerre de conquête. Cette interprétation qui s’inscrit dans le futur proche par rapport au contexte des prophéties de Bilam, semble mieux convenir que la première, qui s’éloigne du texte en faisant allusion à la manière d’accomplir les commandements de D.ieu. Pourquoi donc Rachi ne cite-t-il le Targoum qu’en deuxième position?

Pour répondre à cette question, il faut mettre en lumière une succession logique dans les prophéties de Bilam. En effet, celui-ci a essayé, à trois reprises, de maudire le peuple d’Israël et s’est trouvé contraint de le bénir. Mais cette bénédiction peut s’expliquer de deux manières :

• Le peuple d’Israël ne peut pas être maudit car D.ieu lui accorde Son amour et Sa protection, excluant toute malédiction.

• Le peuple d’Israël présente une élévation spirituelle particulière qui fait qu’il mérite des bénédictions.

Pour Rachi, c’est ce qui distingue la première bénédiction de Bilam de la deuxième. En effet, pour introduire sa première prophétie, Bilam dit : « Comment maudirais-ce celui que D.ieu n’a pas maudit ? », ce qui signifie l’exclusion par D.ieu de toute malédiction. Par contre, pour introduire sa deuxième prophétie, Bilam dit : « Voici, pour bénir j’ai été pris, je bénirai et ne pourrai faire autrement », ce qui exprime plutôt l’idée de mérite et de bénédiction. Le verset portant l’allégorie du lion se situe dans la deuxième prophétie et c’est pourquoi Rachi retient le sens du Midrach, qui fait allusion à la pratique des commandements. Car dans cette deuxième série de bénédiction, Bilam exprime l’idée que le peuple d’Israël, au-delà de la protection que D.ieu lui accorde par amour gratuit, mérite ces bénédictions par son action personnelle

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