jeudi 2 juin 2011

Nasso : une bénédiction d'une portée particulière

A propos du premier verset de la bénédiction des Cohanim, « Que D.ieu te bénisse et te protège » (Nombres,6:24), Rachi apporte le commentaire suivant : « [Que D.ieu]te bénisse: [cela signifie]que tes biens soient bénis. Qu’il te protège : [cela signifie] que des brigands ne viendront pas voler ton argent. Car celui qui donne un cadeau à son serviteur ne peut pas le protéger des autres hommes, et si des brigands viennent le lui prendre, quel profit en a-t-il retiré ? Mais D.ieu est Celui qui donne et Celui qui protège. Et de nombreux commentaires ont été apportés à son propos [de ce verset].»

Ce commentaire de Rachi appelle la question suivante. Comme Rachi le dit lui-même, le Midrach (Sifri) apporte de nombreuses explications quant à la nature de cette bénédiction. Et de fait, d’après le sens simple du texte, cette bénédiction apparaît comme ayant un sens très général. Le Sifri explique que ce verset promet la réalisation de toutes les bénédictions mentionnées dans la section de Ki Tavo. D.ieu y promet que, si nous respectons Ses commandements: « tu seras béni dans la ville, et tu seras béni dans le champ…béni sera le fruit de tes entrailles, celui de ton sol…béni tu seras à ton arrivée et béni tu seras à ton départ…» Ainsi, cette bénédiction des cohanim semble porter à la fois sur l’individu lui- même, sur ses enfants (« le fruit de tes entrailles»), et sur ses biens. Pourquoi donc Rachi en restreint-il le champ en expliquant que cela signifie: «que tes biens soient bénis» ? Rachi insiste d’ailleurs sur ce point en revenant sur le verbe « Qu’il te protège. » Ce verbe, qui s’adresse apparemment à l’homme, est à nouveau interprété par Rachi comme concernant les biens matériels dont D.ieu assure la protection des brigands. Pourquoi donc Rachi adopte-t-il cette lecture du premier verset de la bénédiction des cohanim ?

En fait, la réponse se trouve dans la question elle-même. En effet, d’après Rachi, lorsque le texte aborde la bénédiction des cohanim, il est clair qu’il s’agit d’une bénédiction spécifique, qui se distingue de celles que l’on trouve par ailleurs dans la Thora. Il ne peut donc pas s’agir de la promesse d’une rétribution pour notre respect des commandements de D.ieu car cela a déjà été mentionné. Rachi en déduit donc que cette bénédiction ne promet pas à l’individu l’acquisition d’une richesse nouvelle, mais plutôt que la prospérité règne dans les biens déjà acquis. C’est cette idée que Rachi exprime quand il traduit: « que tes biens », c’est-à-dire les biens que tu possèdes déjà, « soient bénis.» Cela signifie, du point de vue du sens simple, que l’usage que nous ferons de nos biens portera ses fruits. C’est aussi la raison pour laquelle Rachi ne donne pas au verbe « Qu’il te protège » son sens littéral, mais explique cette fin du verset dans la même perspective : la bénédiction des cohanim exprime la protection que D.ieu accorde aux biens qu’Il nous a donnés de sorte que nous tirions réellement profit.

Pour conclure, de cette compréhension de la bénédiction des cohanim apparaît une autre idée. Puisque cette bénédiction est différente de celle promise pour le respect des commandements de D.ieu, c’est qu’elle ne l’exige pas comme condition préalable. En d’autres termes, la bénédiction des cohanim s’adresse à tout le peuple juif, sans exception, sans prendre en compte son degré de pratique. Elle vient donc exprimer ce lien particulier qui unit le peuple juif à D.ieu, comme l’exprime le Talmud : « même s’il a fauté, c’est un Israël. »

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