jeudi 19 mai 2011

Be'houkotaï : 2 scenarios pour la délivrance

Dans la section de Bé’houkotaï , après avoir énuméré les souffrances de l’exil, D.ieu annonce la délivrance finale en ces termes : « [Alors], Je me rappellerai de Mon alliance avec Yaakov, et aussi de Mon alliance avec Its’hak, et aussi de Mon alliance avec Avraham… » Sur ce verset, Rachi apporte le commentaire suivant : « Pourquoi [les patriarches] ont-ils été mentionnés à l’envers [de l’ordre chronologique] ? Pour dire : Yaakov le plus jeune est suffisant pour cela, et sinon, Itsh’ak se joint à lui, et sinon, Avraham se joint à lui. » En d’autres termes, Rachi considère que les patriarches sont mentionnés dans l’ordre croissant d’élévation, de sorte que si Yaakov, dont la stature est la moins élevée, ne suffit pas à permettre la délivrance, alors il sera possible de faire appel à Its’hak, et, le cas échant, à Yaakov.

Cependant, le Midrach apporte un commentaire similaire mais qui prend le contre-pied de Rachi. Selon ce Midrach : « Pourquoi les patriarches ont été mentionnés à l’envers ? Car si les actions d’Avraham ne sont pas suffisantes, il suffira des actions d’Itsh’ak, et si les actions d’Its’hak ne sont pas suffisantes, il suffira des actions de Yaakov. » Il apparaît donc que pour le Midrach, c’est Avraham qui est le moins élevé, et Yaakov le plus grand. Comment expliquer cette divergence avec Rachi ?

En fait, Rachi et le Midrach s’opposent sur le facteur déclenchant de la délivrance. Pour le Midrach, c’est le fait que les enfants d’Israël reviendront à D.ieu (la notion de « Téchouva ») qui permettra d’effacer les années d’exil. Pour Rachi, qui s’en tient au sens littéral du texte, il n’est pas ici fait mention d’un retour à D.ieu mais des souffrances de l’exil. Ce sont donc ces dernières qui révèleront l’essence même du peuple et lui permettront ainsi d’être délivré. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, le retour à D.ieu (pour le Midrach) ou l’exil luimême (pour Rachi) auront pour seul effet d’effacer les traces du mal et de rétablir une forme de situation « neutre ». Il faudra donc aussi un facteur positif pour permettre au peuple de retourner à sa Terre. Et ce facteur positif, qui est représenté par les patriarches, est interprété par Rachi et par le Midrach dans la continuité du début du scénario prévu par chacun : Pour le Midrach, selon lequel c’est le mérite du retour à D.ieu qui déclenchera la délivrance, alors, il faudra faire appel aux patriarches dans cette même dimension, celle du mérite des actions. Et de ce point de vue, c’est bien Yaakov le plus grand. En effet, ayant hérité de l’éducation d’Avraham et d’Its’hak, il avait atteint la perfection dans l’action. Sa descendance, exempte de tout échec, en était le témoignage.

Pour Rachi, selon lequel ce n’est pas le mérite mais l’essence même du peuple qui se révèlera, il faudra faire intervenir les patriarches dans cette même dimension, celle de l’être lui-même. Et dans cette perspective, c’est Avraham le plus grand. En effet, bien que né dans une famille et une société idolâtre, il a été capable de reconnaître son Créateur et s’attacher à lui.

Aucun commentaire: