jeudi 6 mars 2008

Pékoudé : l'importance du concret

A la lecture de la sidra de Pékoudé (ainsi que celle de Vayakhel, qui est souvent lue le même chabbat), une question surgit immédiatement. En effet, la Thora est généralement très économe de ses mots, et une multitude de lois sont parfois déduite d’un simple terme superflu. Or, nous retrouvons dans ces deux sidrot la description détaillée du Tabernacle, que nous avons déjà eue dans les sidrot de Térouma et Tétsavé où D.ieu s’adresse à Moïse pour lui transmettre le commandement de le construire. Pourquoi la Thora ne s’est-elle pas contentée d’écrire : « Les enfants d’Israël firent comme D.ieu avait demandé », formule que nous retrouvons à de nombreuses reprises ?

Pour répondre à cette question, il faut remarquer que les deux descriptions du Tabernacle, tout en étant parfaitement identiques dans les moindres détails, de déroulent dans deux contextes radicalement différents.

1. Du point de vue du lieu : dans la première description, D.ieu s’adresse à Moïse au sommet du Mont Sinaï, sur un lieu sacré et détaché de tout. Dans la deuxième description, Moïse s’adresse aux enfants d’Israël sur la « terre ferme », dans le monde matériel.

2. Du point de vue de celui qui délivre le message : dans le premier cas, c’est D.ieu qui s’adresse à Moïse alors que dans le deuxième, c’est Moïse qui s’adresse aux enfants d’Israël.
Du point de vue de celui qui reçoit la description : dans le premier cas, c’est Moïse, l’homme qui a atteint le plus haut degré de prophétie. De plus, sur le Mont Sinaï, nous savons que Moïse n’a ni bu ni mangé durant quarante jours et quarante nuits. Il était donc lui-même dans un état d’élévation extraordinaire. Dans le deuxième cas, il s’agit des enfants d’Israël, dans leur plus grande diversité et jusqu’à l’individu le plus commun.

3. Du point de vue de la nature du message : dans le premier cas, il s’agit d’une prophétie, d’un message divin, alors que dans le deuxième, il s’agit d’un message humain qui relève de l’enseignement de Moïse aux enfants d’Israël.

Nous pouvons donc affirmer que le Tabernacle décrit dans les sidrot de Térouma et Tetsavé n’appartient pas au monde matériel. Derrière tous les éléments de la description, il faut voir le sens caché d’un message divin s’adressant à Moïse. A l’opposé, le Tabernacle des sections Vayakhel et Pékoudé est bien en or et en argent physique et fait partie de notre Monde. Et c’est précisément dans ce Tabernacle que la présence de D.ieu s’est révélée, comme le décrit notre Sidra.

Ainsi, les sidrot de Vayakhel et Pékoudé ne constituent pas vraiment une répétition de Térouma et Tétsavé. Au contraire, elles décrivent de quelle manière le Tabernacle « spirituel » s’est réalisé dans le monde matériel. Et elles nous enseignent que la volonté de D.ieu se réalise précisément dans notre monde physique. En effet, l’être humain qui est habité par un idéal de spiritualité pourrait, en observant le monde physique et ses vicissitudes, sombrer dans le désespoir et penser que rien de grand n’y est possible. Le Sidrot de Térouma et Tétsavé décrivent le plus grand idéal spirituel qui ait pu exister pour un homme. Mais la Sidra de Pékoudé nous apprend que le paradoxe de la Création est que D.ieu en a placé la finalité de cette Création dans le monde le plus matériel.

Les enfants d’Israël ont participé avec générosité (« nédiv lev ») à la construction du Tabernacle et la présence divine s’y est révélée. De même, si nous nous investissons avec authenticité à la révélation de Sa présence dans ce monde, nos efforts seront couronnés de succès.

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