vendredi 4 février 2011

Térouma : les cèdres de l’espoir

Parmi les matériaux qui ont été nécessaires à la construction du Tabernacle, le verset mentionne (Exode, 25 :5) « Et des peaux de bélier teintes en rouge, des peaux de Ta’hach et des bois de Chittim.» En effet, ce bois, que certains commentateurs identifient comme le cèdre, a été utilisé pour tailler les planches constituant les parois du Tabernacle. Mais à ce propos de ce bois, Rachi apporte le commentaire suivant : « D’où en avaient-ils dans le désert ? Rabbi Tan’houma explique : Yaakov notre père avait vu, par esprit prophétique, que les enfants d’Israël seraient amenés à construire un Tabernacle dans le désert. Il a amené des cèdres en Egypte, les a plantés, et a ordonné à ses enfants de les prendre avec eux lorsqu’ils sortiront d’Egypte. »

Ce commentaire demande analyse. En effet, il est un principe méthodologique selon lequel Rachi a pour objectif d’expliquer le sens littéral du texte. Il ne fait donc pas référence, a priori, au Midrach, excepté dans le cas où ce dernier permet d’assurer la cohérence du récit. Or, la question posée ici est de savoir comment les enfants d’Israël ont pu se procurer du bois en plein désert ? Pour y répondre, Rachi fait appel à une explication d’ordre midrachique, dont il n’est même pas fait allusion dans le texte. Pourtant, nous pouvons expliquer la provenance du bois de deux manières très simples. Soit les enfants d’Israël en ont acheté aux caravanes commerçantes qui traversaient régulièrement le désert à cette époque et dont il a déjà été fait mention dans la Genèse. Soit, comme le rapporte Even Ezra, il existait, à proximité du Mont Sinaï, une région boisée où les enfants d’Israël ont pu couper le bois nécessaire. Pourquoi donc Rachi fait-il appel à cette explication du Midrach ?

En fait, Rachi relève que lorsque D.ieu demande aux enfants d’Israël de réunir les matériaux qui vont permettre la construction du Tabernacle, un seul verbe revient avec insistance : « prendre ». Ainsi, le texte nous dit : « D.ieu parla à Moïse en ces termes. Parle aux enfants d’Israël et qu’ils prennent pour Moi un prélèvement ; de tout homme au cœur généreux vous prendrez Mon prélèvement. Et voici le prélèvement qu’ils prendront : de l’or, de l’argent, … » Or, au sens littéral, le verbe prendre fait référence à quelque chose que la personne possède déjà et qu’il ne lui reste plus qu’à prendre. Rachi déduit donc de cette formulation que les matériaux demandés avaient pour point commun d’être déjà la propriété des enfants d’Israël qui, nous le savons, sont sortis d’Egypte avec des richesses et des matières précieuses. C’est pour cette raison que Rachi exclut les deux provenances du bois proposées plus haut car elles ne sont pas conciliables avec ce sens du verbe prendre.

Pour conclure, nous savons que Rachi ne cite nommément l’auteur (ici Rabbi Tan’houma) que lorsque cela apporte une dimension supplémentaire à son commentaire. « Tan’houma » signifie en hébreu consolation. Rachi fait donc ici allusion au fait que ces cèdres, que Yaakov avait planté en Egypte, matérialisaient l’espoir de la délivrance pour les enfants d’Israël. Plongés dans la servitude de l’exil, ils pouvaient, d’un regard, se rappeler de la promesse faite par Yaakov : « D.ieu se souviendra de vous et vous fera sortir de cette terre. »Or, la Thora compare les Justes à des cèdres (Psaumes, 92 :13) : « Le Juste fleurira comme le palmier et grandira comme le cèdre du Liban. » Ainsi, dans notre dernier exil, les Justes constituent ces cèdres qui continuent à insuffler l’espoir de l’avènement des temps messianiques.

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