Cette année 5768 est une année exceptionnelle : c’est celle de la chemita.
De même que tous les sept jours nous devons nous abstenir de tout travail, lors du chabbat, de même nous avons l’obligation de laisser la terre d’Israël en jachère tous les sept ans, comme l’enseigne la Tora : « L’Éternel parla à moïse au mont Sinaï, en ces termes : Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : Quand vous serez entrés dans le pays que je vous donne, la terre se reposera un chabbat en l’honneur de l’Éternel. Six années tu ensemenceras ton champ, six années tu travailleras ta vigne, et tu en recueilleras le produit ; mais, la septième année, un repos absolu sera accordé à la terre, un chabbat en l’honneur de l’Éternel » (Lévitique 25:1-4).
De même que chaque semaine se clôt en apogée avec le chabbat, tous les sept ans revient l’année de la chemita, véritable chabbat de la terre d’Israël.
L’année de la chemita se caractérise par un certain nombre d’interdictions, dont quatre sont explicitées par la Tora elle-même : ensemencer un champ et le récolter, tailler une vigne et la vendanger.
D’autre part, on a l’obligation cette année-là d’abandonner ses champs et leurs fruits au public : quiconque doit pouvoir y pénétrer et s’y servir pour ses besoins alimentaires propres.
Enfin, les fruits de la terre d’Israël sont investis d’une sainteté particulière l’année de la chemita. Cette sainteté se traduit par trois interdictions principales :
1. Celle d’utiliser ces fruits à une autre fin qu’à une consommation normale ;
2. Celle de faire commerce de ces fruits ;
3. Celle de faire sortir ces fruits de la terre d’Israël.
Pratiquement, la première interdiction, celle d’utiliser les fruits de la chemita à une autre fin qu’une consommation normale, va très loin : il est par exemple interdit de cueillir un fruit qui n’est pas arrivé à maturité, car cela est assimilé à un acte de destruction ; il est également interdit de jeter les épluchures de ces fruits et légumes avant qu’elles n’aient pourri d’elles-mêmes, etc.
Il est toutefois permis de presser du raisin pour en tirer du vin ou d’écraser des olives pour produire de l’huile, car cela est considéré comme un usage normal pour ces fruits. Maïmonide établit d’ailleurs clairement qu’on a le droit d’allumer une lampe à partir d’une huile réalisée avec des fruits de la chemita (Hilkhot Chemita ve-Yovel, 5:1 et 5:8).
Malgré cette permission codifiée par Maïmonide, R. Méïr Arik dans ses responsa Imré Yochèr (vol. 1, § 100, Munkacz, 1913) interdit d’allumer les lumières de ‘Hanoukka avec une huile de chemita.
Son raisonnement est le suivant : étant donné qu’il nous est interdit de tirer profit des lumières de ‘Hanoukka, l’on peut considérer que cet allumage est en pure perte.
Le « profit » de la mitsva n’est certainement pas à prendre en considération non plus puisqu’il n’y a pas de rétribution pour les mitsvot dans le monde présent. D'autre part, selon un célèbre principe du Talmud : « les mitsvot n'ont pas été données pour que l'on en tire profit. »
On peut donc considérer que l’allumage des lumières de ‘Hanoukka à l’aide d’une huile de chemita s’assimile à une destruction des fruits (olives) dont elle est tirée, interdite par la Tora.
Depuis le rétablissement d’un véritable peuplement juif en terre d’Israël à la fin du XIXe siècle, la chemita a été pratiquée de deux manières :
1. Soit, dans le respect le plus total de la halakha, c’est-à-dire en s’abstenant véritablement de tout travail la terre et en consommant les fruits investis de sainteté avec toutes les précautions requises ;
2. Soit, selon un avis halakhique répondant aux conditions économiques (à l’époque) puis sociales (de nos jours) des juifs vivants en terre d’Israël, en vendant les terres devant être cultivées à des non-juifs. Selon l’auteur du Choul’han ‘Aroukh, en effet, un non-juif peut acquérir une parcelle de la terre d’Israël et, dans ce cas, la parcelle qu’il possède est dépourvue de sainteté. Il est donc permis de cultiver de tels champs la septième année et leurs fruits sont également dénués de toute sainteté.C’est ce qu’on appelle le « Hétèr mékhira » (« autorisation de vente » ou « du fait de la vente »).
Concrètement, R. Chlomo Zalman Braun autorise, suivant l’avis de son illustre maître R. Chmouel Engel (1853-1935), à allumer les lumières de ‘Hanoukka avec une huile issue d’olives provenant du Hétèr mékhira (1).
PS : Concernant la chemita, on pourra se reporter, pour une brève synthèse en français, à la brochure éditée par le R. Hayim Yacov Schlammé et le R. Gabriel Dayan, La Chemita, éd. Penima, 76 p. Disponible dans toutes les bonnes librairies juives.
(1) R. Ch. Z. Braun, Che’arim Metsouyanim ba-Halakha, vol. III, New York, 4e éd., 1991. L’auteur est un important décisionnaire d’origine hongroise, disparu à Brooklyn à la fin du XXe siècle.
mardi 4 décembre 2007
‘Hanoukka et l’année de la chemita
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